“S'appuyer sur le travail des agents pour élaborer l'Agenda 21 !”
Patricia Levasseur, adjointe au maire de Crolles (38) élue en 2008, a découvert que le service des espaces verts avait anticipé les actions de développement durable qu'elle souhaitait mettre en place. La synergie entre techniciens et élus a permis la conception d'un Agenda 21 qui vient d'être validé.
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Le service espace verts de Crolles, ville de 8 500 habitants située dans la vallée du Grésivaudan, à une quinzaine de kilomètres au nord de Grenoble, a entamé sa mutation écologique au milieu des années 2000 d'une façon progressive et par petites touches : introduction des paillages, réduction des produits phytosanitaires, fauchages raisonnés... Une multitude d'actions initiées dans un premier temps essentiellement à l'initiative du chef de service et des agents. « Quand j'ai été élue en 2008, j'ai trouvé une équipe de terrain très motivée, qui allait déjà dans le sens de la politique environnementale que je souhaitais suivre », indique Patricia Levasseur, adjointe au maire de Crolles en charge de l'Agenda 21, de l'agriculture et de l'environnement. « J'ai donc pu m'appuyer sur le travail des agents et des responsables techniques avec lesquels j'ai suivi des formations pour poursuivre ces actions environnementales avec notamment l'élaboration de l'Agenda 21 qui vient d'être validé. » Cette volonté, affichée aussi bien de la part de la municipalité que des services techniques, a permis une mise en oeuvre plus rapide de cette politique. Les initiatives des agents sont plus facilement validées par les élus. À l'inverse, les orientations prises par ces derniers sont mieux comprises et appliquées sur le terrain.
« Même si le processus était déjà bien entamé, cet appui de la municipalité a été essentiel », précise de son côté Jérôme Saccoman, responsable du service des espaces verts. « Des mesures radicales comme l'arrêt total de l'utilisation des produits phytosanitaires, qui est aujourd'hui acté, ne peuvent se faire sans une affirmation claire de l'équipe municipale. Cette dernière nous a encouragés et nous a donné les moyens et les outils nécessaires pour organiser la démarche tant au niveau de la formation que de la méthodologie. Nous avions mis en place beaucoup d'initiatives, et nous avions aussi pas mal d'idées en tête. Puis il a fallu répertorier et classer tout cela. L'aide d'un apprenti de niveau licence a été précieuse, sans oublier le recours au logiciel Géosite. »
Qui dit limitation des impacts environnementaux dit remise en cause complète des méthodes de travail par la mise en place d'un plan de gestion différenciée des espaces verts. Le service a en charge près de 20 hectares d'espaces verts « urbains », mais aussi plus de 30 hectares d'espaces naturels à vocations multiples : bords de routes, digues, sentiers... « Sans le savoir, nous faisions déjà de la gestion différenciée, explique Jérôme Saccoman. Toutes les zones, par exemple, n'étaient pas tondues de la même façon, les espaces à proximité de la mairie ou les stades bénéficiaient déjà d'un entretien plus soutenu par rapport à des zones plus éloignées, ce qui n'était pas toujours compris de la population. La mise en oeuvre concrète de la gestion différenciée a encore accentué cette incompréhension, donnant l'impression que des zones sont délaissées. Pourtant, les gens ont la mémoire courte car, en cinq ans, les espaces verts ont gagné en qualité visuelle et sont globalement plus propres aujourd'hui. Par exemple, dans les massifs de rosiers, grâce aux bâches de paillage, il n'y a pratiquement plus d'herbe alors qu'avant ils en étaient envahis. »
« Nous sommes en grande partie responsables de cette incompréhension, reconnaît Patricia Levasseur. Nous n'avons pas communiqué suffisamment sur ces nouvelles méthodes de gestion des espaces verts. La fiche grand public Agenda 21, actuellement en cours d'élaboration, va, en faisant parler les agents, les habitants et les élus, combler en partie ce déficit de communication. Des actions plus ciblées doivent aussi être initiées. Par exemple, si tout le monde, sans exception, a apprécié le fleurissement printanier à base de bulbes sur les espaces gazonnés, les agents comme la population et les élus sont divisés sur l'entretien à réaliser après floraison : faut-il aller jusqu'au bout de la démarche environnementale en laissant le temps aux bulbes de se régénérer au risque d'avoir un espace moins soigné esthétiquement pendant quelque temps ou la notion de « propreté » doit-elle prévaloir ? Si la première option est choisie, elle ne pourra être comprise sans une communication appropriée (panneaux de sensibilisation, bulletin municipal, presse...). »
Le regard des habitants semble toutefois évoluer peu à peu. Les élus qui se sont succédé n'ont jamais adopté un fleurissement tous azimuts. Même si les annuelles restent incontournables, les plantes vivaces et les arbustes sont plus représentatifs de la politique espaces verts de la Ville que les suspensions et les jardinières débordant de fleurs. C'est pour tenter de faire partager ce point de vue que la municipalité a créé, avec une association locale, un troc de plantes. Cette manifestation grand public, organisée deux fois par an avec la participation du service des espaces verts, permet aux visiteurs, par le biais des échanges, d'élargir leurs connaissances et d'entrevoir d'autres manières de fleurir. « Il est difficile d'expliquer à des personnes de 80 ans qui, chaque année, reçoivent un prix pour leur maison couverte de fleurs, qu'on peut fleurir différemment », poursuit l'élue. « Cette manière d'agir de façon progressive est plus pédagogique et semble donner de bons résultats, comme le montre le succès, auprès des habitants, des mélanges types prairies fleuries distribués ce printemps. »
Changer les méthodes de travail nécessite une réorganisation des équipes et des plannings. Tout doit être réfléchi en amont et anticipé. La saison estivale se prépare dès l'hiver. Un exemple illustre ce principe : le fleurissement est aujourd'hui conçu de façon à être plus économe en eau. Les jardinières de petit volume ont été supprimées au profit de bacs d'un volume minimum de 500 litres et de massifs en pleine terre. Les bacs sont désormais remplis d'un mélange terreux élaboré à partir d'une terre végétale argileuse enrichie de compost et éventuellement de sable. Ainsi, les besoins en eau ont été réduits de 40 %. Même en pleine saison estivale, les plantes peuvent rester trois jours sans arrosage, ce qui facilite l'organisation du travail et supprime les permanences d'arrosage du samedi. De plus, le fleurissement, élaboré de plus en plus à base de vivaces, limite les « coups de bourre » du mois de mai lors de la plantation des massifs. Une partie des heures ainsi économisées peut être utilisée à d'autres postes comme le désherbage, mais cela permet surtout un rééquilibrage des besoins en main-d'oeuvre entre les saisons estivale et hivernale. L'hiver, plus de temps peut-être consacré à la taille des arbustes, au paillage des massifs, à l'installation de réseaux de goutte-à-goutte... ou au réaménagement de zones pour en limiter l'entretien estival. Dans le cimetière, les zones gravillonnées ont été réduites, certaines parties ont été engazonnées, le centre des allées est désormais bétonné. Le « zéro phyto » conduit aussi à aménager différemment les zones de stationnement : l'enherbement est une bonne alternative aux espaces stabilisés ou sablés, trop difficiles à entretenir dès lors que l'on n'utilise plus d'herbicides chimiques.
« Il est d'ailleurs souhaitable que l'entretien des espaces soit étudié dès la conception des projets. À Crolles, les différents services travaillent en concertation. Cette vision transversale est indispensable, notamment avec la voirie, pour faciliter la gestion sur le long terme et éviter certaines aberrations du passé, comme ces bandes de gazon coincées entre deux voies de circulation, une densité de plantation trop importante, des arbustes à fort développement près des trottoirs... », poursuit l'adjointe au maire. Cette notion de concertation et de transversalité a déjà fait ses preuves, notamment sur la gestion des espaces naturels. Face à la complexité et à l'importance de ces zones d'un point de vue écologique (corridor biologique, périmètre de protection de biotope, espace naturel sensible...) et à la mixité des usages, une instance de concertation et de gestion des espaces naturels et agricoles a été créée. Elle réunit les différents acteurs : usagers (chasseurs, pêcheurs, naturalistes, agriculteurs), instances (chambre d'agriculture, Parc régional de la Chartreuse, direction départementale du territoire...) et les élus.
Claude Thiery
Exemple d'aménagement permettant de limiter le désherbage : un grillage posé sur une semelle en béton, évitant d'avoir à traiter le bas de la clôture.
Même si les annuelles restent incontournables, les plantes vivaces et les arbustes correspondent mieux à l'image de Crolles...
L'enherbement est une bonne alternative aux espaces stabilisés ou sablés qui deviennent trop difficiles à entretenir dès lors que l'on n'utilise plus d'herbicides chimiques.
Dans le cimetière de la commune de Crolles, les zones gravillonnées ont été réduites, certaines parties ont été engazonnées, le centre des allées est désormais bétonné.
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